Accords et désaccords**

• Titre original : Sweet and Lowdown
• Pays : Etats-Unis • Durée : 1 h 35 • Sortie : 26 janvier 2000
• Distributeur : Pyramide • Réalisateur : Woody Allen
• Avec Sean Penn, Uma Thurman, Gretchen Mol,
Anthony LaPaglia, Samantha Morton, Brian Markinson, James
Urbaniak, John Waters, Woody Allen, Tony Darrow, Darryl
Alan Reed, Molly Price, Dennis O'Hare, Vincent Guastaferro,
Brad Garrett, Katie Hamill, Kaili Vernoff... • Scénario : Woody
Allen • Productrice : Jean Doumanian • Directeur de la
photographie : Zhao Fei • Chef décorateur : Santo Loquasto

Emmet Ray (Sean Penn), guitariste de jazz méconnu des
années 30, mène la vie de bohême, entre alcool et p'tites
pépées. Refusant (momentanément) d'enregistrer en studio, il
parcourt le pays avec son groupe pour y donner des concerts
que s'arrachent néanmoins certains aficionados. Au hasard de
ses déambulations, Emmet rencontre la jolie – mais muette et
légèrement demeurée – Hattie (Samantha Morton), qui se
dévoue corps et biens pour son beau et distingué guitariste.
Couple hasardeux, le duo tient difficilement le choc, d'autant
qu'Emmet ne semble pas décidé à rendre à Hattie l'amour que
cette dernière lui porte. Un beau matin, l'oiseau s'est envolé et
Hattie reste seule. Retourné à ses errances musicales, et
toujours terrorisé de tomber sur Django Reinhardt, dont il
redoute le génie, Emmet rencontre bientôt en Blanche (Uma
Thurman), femme du monde élégante et superficielle, celle qui
sera sa femme. Mais la belle qui saura assagir Emmet Ray n'est
pas encore née...

Le Woody Allen annuel est sorti et c’est un bon cru. Plutôt de la famille de « Alice », « Tout le monde dit « I love you » », ou « Broadway Danny Rose » que de « Manhattan », « Une autre femme » ou « Crimes et Délits » (mes préférés). Mais, ne boudons pas notre plaisir car le père Woody s’est donné du mal côté scénario : cela fait longtemps qu’il ne nous a pas pondu un film dans lequel il n’est pas question de psychanalyse et dont le héros ne sait pas ce qu’exprimer ses sentiments veut dire. Ce personnage totalement fictif est même tellement opposé aux « classiques » alleniens (au point qu’il aime une femme muette !) que je me demande si Allen ne se pose pas, de temps en temps, la question du bien-fondé de la consigne socratique : connais-toi toi-même … Toujours est-il qu’il profite de cette liberté nouvelle pour nous faire écouter un peu du jazz, nous faire aimer un personnage odieux, nous faire réfléchir sur la création et comme toujours nous faire rire. Les décors, l’éclairage chaud et ouaté, le jeu des acteurs, tout concourt à ce que ce personnage outrancier qui vivait à une époque violente, nous apparaisse d’une grande douceur. En particulier, Emmet Ray ressemble physiquement à Chaplin avec qui il a en commun ce beau regard surpris et bon. Et pourtant, cette myopie, qui sauve toujours Charlot, va empêcher le musicien de reconnaître la douceur dans le regard des autres et le faire passer à côté du grand amour. Sean Penn est magistral en musicien habité qui croit n’aimer rien en dehors de sa guitare, regarder passer les trains et tirer au revolver sur des rats. Il est odieux en Emmet Ray, musicien vaniteux et alcoolo, pitoyable en séducteur de bas étage et risible en maquereau naïf ou en enfant gâté dont le rêve de décrocher la lune finit dans les flammes, tout comme l’enfance de Citizen Kane. Il paraît qu’il faut s’émerveiller de Sean Penn qui a appris à jouer de la guitare en 6 mois. Je préfère m’émerveiller de Woody Allen qui parvient, année après année, à nous faire plaisir en nous racontant une nouvelle histoire. François Herdé